Bonne et mauvaise solitudes
Prendre un temps à l’écart pour se ressourcer et se recentrer, c’est un exercice que pratiquait Jésus. Cet exercice est recommandé pratiquement par toutes les sagesses du monde. La solitude choisie, temporaire, peut apporter un grand bienfait.
D’un autre côté, il y a la terrible solitude dont souffrent bien des personnes. L’humain est un animal social et la solitude est la première souffrance dont parle la Bible, Dieu disant : « il n’est pas bon que l’être humain soit seul1 » !
Il y a ainsi une bonne solitude qui nous met en forme et une mauvaise solitude qui nous ronge. Cela mérite de creuser la question car cela touche manifestement quelque chose d’essentiel pour nous.
La gloire d’être seul
Qu’entend-on par « la gloire d’être seul 2» ? Chacun a sa personnalité, son histoire et un souffle qui l’anime. Cela fait de nous une œuvre d’art, une pièce unique, même si nous n’en avons pas conscience. Il est bon de sentir et d’apprécier cette gloire d’être nous-même, seul à notre façon. Ce n’est pas facile. Pour personne. Ce n’est donc pas notre faute si nous avons du mal à saisir cette gloire d’être nous-même.
Comment en prendre conscience ?
Être un petit peu aimé en ce monde est très précieux pour cela. C’est pourquoi il est essentiel que personne ne reste isolé sans quelqu’un qui pense à lui. C’est un défi qui nous est donné, collectivement.
Seulement cela ne suffit pas, car si nous dépendons uniquement des autres pour avoir une estime de nous-même, nous n’existons à nos yeux que dans l’idée que d’autres se font de nous. Ce qui est un piège mortel.
C’est pourquoi, la première chose que Dieu donne à Jésus c’est cette parole « Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j’ai mis toute mon affection3 ». Cette expérience permet à Jésus de se mettre en route. Ensuite, pour avancer, il va devoir encore prendre un temps de solitude, dans le désert, avant de trouver la force de se saisir de sa vocation de Christ et de l’accomplir.
Toute la subtilité est là.
Du temps pour être seul
Il est parfois bon de prendre le temps d’être seul et inoccupé, dans le silence si nous le pouvons.
Pourquoi avons nous tellement de mal à faire cela ? Sans nos amis qui nous rassurent, sans nos activités, est-ce qu’il nous viendrait la peur de ne plus rien valoir, d’être submergé par l’idée décevante que nous nous ferions de nous-même, de notre passé, de notre avenir ?
Il est précieux de faire face à cette question afin de prendre conscience de notre réelle valeur, de la gloire d’être seul et unique. De libérer cette réalité de nos fantômes.
Se ménager des temps de solitude, de retrait
C’est un travail de réflexion, de prière peut-être. Cela demande de prendre quelque temps de solitude.
C’est une solitude délibérée. Arrêter son service des autres, renvoyer la foule, même ses proches, rester seul, à l’écart. Faire cela régulièrement, pour un moment, puis revenir dans sa vie d’avant, ayant souvent évolué dans ses objectifs ou sa façon de faire.
Cette solitude choisie demande un effort. Elle est fondatrice pour nous. La question n’est pas seulement de réfléchir sur la dignité de la personne humaine en général, mais sur l’estime de nous-même en tant que personne réelle, unique, de valeur.
C’est en nous découvrant ainsi que nous saisirons comment nous ne sommes pas fait pour être seul.
Vivre sans être vivant
Une troisième posture de solitude consiste à ne rien vouloir, ne rien désirer, ne rien attendre.
Cette disposition d’esprit a été, et est toujours, vantée par certains esprits, mais elle est assurément une forme de solitude. Même si l’on est entouré par d’autres personnes partageant cette absence de projets, de rêves. Elle est une solitude car elle amène à rejeter, ou ignorer, tout « intrus » osant proposer quelque chose de différent, de nouveau.
Dans le domaine de la spiritualité, l’expression courante est le rejet de la « modernité », mot commode pour désigner l’évolution. Mais une spiritualité qui n’évolue pas n’est pas vivante. Elle est solitaire, et donc destinée à disparaitre.
« Il n’est pas bon que l’humain soit seul ! »
Dans le texte de l’Évangile selon Marc 3:13-21, nous voyons Jésus appeler tout d’un coup du monde en renfort, il va constituer une équipe de douze, explicitement dans ce but : « pour qu’ils soient avec lui4 ». Le Christ est unique et il a besoin d’autres « avec lui ».
Il y a un besoin vital pour chacun de ne pas être isolé, l’humain est ainsi.
Que peut-on faire ?
Tout le monde est exposé à cette douleur d’être seul, isolé. Les gens qui estiment qu’ils sont seuls sont plus enclins à croire que les autres les rejetteront. Ils sont également plus susceptibles d’avoir une faible estime d’eux-mêmes. Si la solitude survient en raison de ces pensées négative ou erronées (les perceptions inadaptées), alors les différentes façons d’améliorer les choses (les interventions) devraient probablement se consacrer à modifier ces perceptions. Les études montrent habituellement que les interventions portant sur la modification des pensées négatives ou erronées (les perceptions inadaptées) sont en fait plus efficaces que tous les autres types d’interventions.
Cela n’empêche pas que nous avons aussi besoin de vrais liens avec d’autres humains et de nous soucier les uns des autres. Les églises ont leur rôle à jouer, les réseaux, communautés, clubs, etc. ont le leur.
La meilleure voie pourrait toutefois être de chercher comment prendre soin des autres, davantage que d’attendre que les autres prennent soin de nous.
Nous avons besoin des deux pour avancer : 1) quelques personnes qui sont là avec nous, 2) et aussi un peu de solitude pour penser seul.
J’ai lu avec intérêt cet article, mais il y a un mot qui me choque, qui m’a toujours choqué dans un contexte religieux : gloire.
La gloire, c’est le sang des morts sur le champ de bataille.
La gloire, c’est l’ivresse de l’égo de celui qui a écrasé tous les autres, qui a été jusqu’à nier leur existence.
Il y a certainement des mots plus appropriés pour parler de la « gloire de Dieu » ou de la « gloire d’être seul ».
Je trouve malsain le jeu des professionnels de la religion qui utilisent un vocabulaire inapproprié et viennent ensuite « montrer leur science » en expliquant que « oui, mais non, mais alors dans ce contexte, en réalité… »
Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent facilement.
En dehors de ces remarques, j’apprécie particulièrement les articles comme celui-ci qui cherchent à établir des liens entre l’Écriture et notre vie ici et maintenant.
Le succès des églises dites évangéliques vient précisément du fait qu’elles offrent des « réponses » concrètes à ceux qui en ont besoin, même si ces réponses sont des mensonges.
Les églises traditionnelles retrouveraient certainement les faveurs du public si elles étaient moins déconnectées du vécu des gens.
La Parole ne peut être parole de vie que si elle est incarnée, ce qui exige d’aller franchement dans le concret.
Malheureusement, toutes les églises sont des disciples de Paul et pas de Jésus.
J’ai perdu tout espoir en elles, mais je reste attaché à l’Évangile pour mener ma propre vie.
J’ai cependant le sentiment d’être bien seul dans cette voie et cette solitude me pèse parfois.
(Anonyme)