Noël ! Beaucoup le savent, Noël est une fête chrétienne, qui a été instaurée au IVème siècle. Le but, à l’époque, était de prendre la place de réjouissances existant depuis l’aube de l’humanité : fêter le solstice d’hiver, c’est-à-dire le temps où les jours vont commencer à rallonger.
Noël ! La Nativité ! La naissance du Seigneur ! Il s’en dit, des choses, à l’occasion de Noël !
« Un enfant est né, un fils nous est donné » : on voit souvent cette citation de la Bible – en omettant d’ailleurs de dire qu’il s’agit d’une citation de l’Ancien Testament. Elle fait partie du livre d’Esaïe, écrit sept siècles avant la naissance de Jésus. Et ce texte ne s’applique pas à Jésus mais au fils du roi Achaz.
On entend aussi des choses comme : « nous sommes dans la contemplation de cet enfant, venu racheter nos péchés »…
Et la naissance !
On cite encore, autre verset d’Esaïe, à la même époque : « la vierge sera enceinte, elle mettra au monde un fils et l’appellera Emmanuel ». Même remarque que précédemment.
Beaucoup de commentaires et citations font référence à la naissance de Jésus à Bethléem. C’est ce qu’ont fait les évangélistes Luc et Matthieu, pour montrer que se réalisait ainsi, en Jésus-Christ, la prophétie de Michée, au VIIIème siècle : Bet Lehem était reconnue comme le berceau de la lignée du roi David…
De nombreuses allusions sont faites aussi à la conception miraculeuse de Jésus : « Joseph, fils de David, n’aie pas peur de prendre chez toi Marie, ta femme. Oui, l’enfant qui est dans son ventre vient de l’Esprit Saint. Elle va mettre au monde un fils, et toi, tu l’appelleras Jésus. En effet, c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
Tous ces passages, et bien d’autres, ont été et sont largement cités dans des prédications, des prières, sur des cartes de vœux, on a peut-être chanté « il est né le divin enfant », voire même le « Minuit chrétien».
Mais aujourd’hui, je voudrais explorer d’autres pistes que ces chemins abondamment commentés et piétinés depuis des siècles. Voyons plutôt cet extrait :
Daniel 7 :3-13
3 Et quatre grandes bêtes montèrent de la mer, différentes l’une de l’autre.
4 La première était comme un lion et avait des ailes d’aigle …
[…]
5 Et voici une autre bête, une seconde, ressemblant à un ours …
[…]
6 Après celle-là, je contemplais, et en voici une autre comme un léopard …
[…]
7 Après cela, je contemplais dans les visions de la nuit, et voici une quatrième bête, effrayante, terrible et extraordinairement forte …
[…]
9 Je contemplais, jusqu’au moment où des trônes furent placés, et où un ancien des jours s’assit. Son vêtement était comme la neige blanche, et ses cheveux comme de la laine pure. Son trône était des flammes de feu ; les roues, un feu ardent.
10 Un fleuve de feu sortait et coulait de devant lui
[…]
13 Je contemplais dans les visions de la nuit, et voici venant sur les nuées comme un fils d’homme ; il vint jusqu’à l’ancien des jours et on l’amena devant lui.
14 Et il lui fut donné domination, gloire et règne ; et tous les peuples, nations et langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera point détruit .
[…]
27 Mais la royauté, la domination et la puissance des royaumes qui sont sous toute l’étendue des cieux seront données au peuple des saints du Très-Haut : son empire sera un empire éternel, et toutes les puissances lui seront assujetties et lui obéiront.
Ne nous attachons pas à ces « bêtes » dangereuses : elles représentaient de manière symbolique les envahisseurs d’Israël, des Assyriens aux Grecs. Ces êtres malfaisants ont été, d’après le texte, mis hors d’état de nuire.
Comme un fils d’homme
Relisons le verset 13 : « voici, venant sur les nuées, comme un fils d’homme ; il vint jusqu’à l’ancien des jours et on l’amena devant lui ».
Quand on lit « comme un fils d’homme », on pense immédiatement à la façon dont Jésus se nommait lui-même : fils de l’homme ! Il ne s’appelait pas Dieu, il s’appelait Fils de l’homme.
Cet être « comme un fils d’homme » vient « sur des nuées » et cela lui donne un rang quasi-divin. Les «bêtes », quant à elles, ont été anéanties.
Ne restent plus alors dans cette scène que deux personnages :
- Dieu, figuré par « l’ancien des jours »
- et ce fils d’homme …
… face à face, un Dieu assis sur un trône, et un humain presque divin à qui sont donnés « domination, gloire et règne » (v. 14).
D’innombrables auteurs ont vu en ce fils d’homme une annonce du Christ, du Messie, et pourquoi pas ?
Que Daniel ait écrit ses textes deux siècles avant la venue de Jésus de Nazareth, ne saurait arrêter ceux qui voient en Jésus-Christ celui qui est venu accomplir les prophéties de l’Ancien Testament.
En ce qui me concerne, je préfère me dire que les auteurs des évangiles ont largement puisé dans les écritures hébraïques pour constituer leurs récits de la vie et de l’enseignement de Jésus de Nazareth.
Et on peut être sûr que c’est exactement ce qu’a fait Jésus lui-même. Par exemple, le « tu aimeras ton prochain comme toi-même », vient du livre du Lévitique (Lv. 19 :18)
Alors ?
Dieu et l’Homme face à face
Dieu et l’Homme, face à face, Dieu assis sur un trône et l’Homme quasi-divin, pourvu de la domination, de la gloire et du règne.
C’est ainsi que ma foi en Dieu et ma foi en l’Homme se rejoignent, au temps où les jours redeviennent de plus en plus longs, et où la lumière vient nous ramener à la vie.
Gilles Carbonell
Merci Gilles. Il faut, en effet le faire connaître à ceux qui liraient sans notes les textes bibliques, mais ce que tu dis sur la façon dont ont été composés les évangiles- et plus généralement les textes du Nouveau Testament- est assez connue aujourd’hui et les pasteurs n’en font pas mystère. Pour ce qui est du ch.7 de Daniel, voici ce qu’en dit Christian Grappe: « Daniel 7 nous transporte en pleine tourmente déclenchée par les desseins profanateurs d’Antiochus Epiphane.(…) c’est de Dieu que provient le salut, Dieu qui remet le royaume ou la royauté au peuple, représenté selon toute vraisemblance par le Fils de l’Homme et les saints du Très-Haut.(…) On notera que fait défaut une figure messianique en laquelle se cristalliserait l’espérance. Les choses vont évoluer avec le soulèvement des Maccabées et l’apparition de la royauté hasmonéenne. » (p.121 in Le Royaume de Dieu. Avant, avec et après Jésus. Labor et Fides 2001) Si en effet les v.13-14 peuvent faire penser à Jésus, c’est précisément, il me semble, parce que les rédacteurs du Nouveau Testament ont trouvé pratique d’imaginer que Jésus s’est projeté dans ce rôle! Mais la suite du texte de Daniel ,dont tu as cité le v.27, dit que cette fameuse royauté est donnée au peuple des saint du Très-Haut (ou des consacrés du Suprême, comme dit Chouraqui), bref à l’Israël biblique puisqu’il se voit ainsi…
Oui, Gilles, et Esaïe ne dit pas la « vierge ».
Merci Marguerite. Ce terme a évidemment fait couler beaucoup d’encre et on trouve diverses expressions selon les traductions, la jeune fille, la jeune femme, la vierge, la nubile même…
Le mot original dans la Bible hébraïque, « almâh », ne désigne pas une vierge au sens où on l’entend aujourd’hui mais une jeune femme en âge d’avoir des enfants et n’en ayant pas encore eu (de même, au moyen-âge, on désignait par vierge une femme qui n’était pas « en puissance de mari » ; si l’on voulait parler de sa virginité anatomique, on disait « pucelle »).
Et dans le Nouveau Testament, le texte indique une seule fois que Marie était qualifiée de vierge, mais c’était avant que Gabriel ne lui annonce qu’elle allait être enceinte, ce qui est plutôt normal et ne préjuge pas de la suite.