La pratique religieuse rend-elle triste ?
Contrairement à cette affirmation de Paul, on peut fréquemment se poser cette question : la pratique religieuse doit-elle être triste ? Il suffit de voir les différents tableaux représentant la Cène : des convives vivant, bavardant, discourant.
Quid alors de l’ambiance désolée qui règne dans les cultes réformés au moment de la Sainte Cène. L’article de l’historien Alain Cabantous nous explique d’où vient cette habitude de tristesse proche de l’ennui.
Pourquoi devrions-nous être tristes ?
Aujourd’hui encore, l’allégresse du christianisme sous toutes ses formes reste trop dissimulée derrière la mortification, l’ascétisme ou le tragique d’une vie terrestre souvent honnie. Tendance qui s’est largement nourrie de la large diffusion d’une proclamation selon laquelle « Jésus-Christ n’a jamais ri ».
Dès le IVe siècle, Jean Chrysostome affirme que si Jésus a pleuré, au moins trois fois, « aucun évangéliste n’a écrit nulle part qu’il a ri, pas même légèrement souri ». Ambroise ne dit pas autre chose.
Ce lieu commun sera maintes fois répété d’abord à l’époque médiévale. On peut citer Bernard de Clairvaux ou Pierre Le Chantre. Plus tard, avec plus d’insistance encore, chez les théologiens austères du XVIIe siècle. Déclaration qui devait conduire celui qui voudrait « imiter » le Christ à se comporter comme lui.
Un raisonnement discutable
Cette assertion pourtant ne va pas sans poser quand même question : partant d’un fait historique des larmes de Jésus, le raisonnement vise, non à élaborer immédiatement une conclusion théologique, mais à construire un autre fait, le fait que Jésus ne riait pas ! Comme si le fait de pleurer excluait radicalement le rire. Et plus encore, comme si le silence des textes sur un acte ou un geste devenait « l’affirmation de son inexistence puis de son illégitimité ». Combien de décisions reposent sur ce genre d’arguments fallacieux et rhétoriques ?
Dès lors, ce thème récurrent d’un Jésus qui n’aurait jamais ri, renvoie trop souvent à l’image d’un christianisme qui semble se complaire dans des abîmes de tristesse et de déréliction.
D’ailleurs, par une sorte d’analogie qui m’est propre, le costume totalement noir de clergyman, m’a toujours fait penser à des vêtements de rabat-joie, et plus encore à des vêtements de mort et de deuil.
Alain Cabantous (2)
(1) 2 Corinthiens 6 :10
(2) Historien, spécialiste de l’histoire sociale de la culture en Europe (17e-18e s.), professeur émérite (Paris 1 – Panthéon-Sorbonne et Institut Catholique de Paris). Dernières publications : Mutins de la mer. Rébellions maritimes et portuaires en Europe occidentale aux XVIIe et XVIIIe siècle, Paris, Cerf, 2022 ; Les tentations de la chair. Virginité et chasteté (16e-21e siècle), avec François Walter, Paris, Payot, 2019. Plus de détails ici.
La vraie puissance est dans la capacité d’une communauté humaine à se contenter de peu mais à produire de la joie. Pierre Rabhi .
tout un programme dans la spontanéité , la créativité au sein de la communauté !!!
Effectivement rien n’oblige à prendre une attitude de componction pendant la sainte Cène! Je suppose que certains, qui semblent plus recueillis que d’autres, « revivent » ce moment qui dut être plein de tristesse pour les disciples de Jésus qui savaient qu’il allait s’en aller. Pourtant Il ne me semble pas que les peintres qui ont représenté la Cène aient montré des gens particulièrement joyeux…Ils discutent , on peut imaginer tout ce qui n’est pas dit dans les évangiles, mais sont-ils joyeux, je ne pense pas! Cela dit, je constate toutes sortes d’attitudes pendant la sainte Céne chez nous, il y a parfois de petits incidents, des sourires,etc. Que je sache cela ne scandalise personne. Toutes ces remarques exposées dans l’article me paraissent concerner des temps révolus.
Cela dit, le « soyez toujours joyeux » ne consiste pas selon moi à afficher en permanence une mine réjouie.( Je dois dire qu’un pasteur « toujours joyeux » que j’ai rencontré à l’occasion, et qui parle d’un air illuminé, m’agacerait plutôt s’il était en charge de notre communauté, car cette attitude me paraît surjouée, mais bon il est peut-être naturellement ainsi…) Le « soyez toujours joyeux », je le comprends plutôt ainsi: quoi qu’il vous arrive, soyez sereins, car vous n’êtes pas seuls, vous savez que le Christ est en chacun de vous comme en chaque être qui reconnaît sa présence et il ne vous abandonnera pas. Il sera aussi toujours avec vous à travers vos frères et soeurs en Christ . Dans la communauté, vous n’êtes pas seul et la joie vient de la rencontre avec les autres ! Pour moi, la joie ce n’est pas nécessairement l’exubérance, c’est un sentiment de plénitude qui s’éprouve avec reconnaissance.
Être joyeux, il me semble que c’est différent de « être hilare », comme tu le dis : la joie n’est pas nécessairement l’exubérance.
Une expression me gêne un peu dans ton commentaire, l’idée qu’un pasteur soit « en charge de la communauté ». D’abord, ça fait un peu curé de village des temps anciens, ensuite le pasteur n’est pas plus « en charge » d’une communauté que n’importe quel paroissien, sinon le sacerdoce universel est vide de sens. Et en plus, que devient la communauté pendant les vacances pastorales, qui seront d’ailleurs de plus en plus fréquentes et de plus en plus longues ?
Merci de tes commentaires toujours précieux.
Les religions ont toujours été des instruments de pouvoir et l’absurdité de leurs dogmes et de leurs liturgies, en totale contradiction avec les écritures, a simplement pour fonction d’éprouver la soumission aveugle des fidèles.
D’où l’importance primordiale du sola scriptura. Sans lui, les 4 autres ne peuvent être.