Un mot à supprimer : « Nous » !
« Nés dans l’esclavage du péché, enclins au mal, incapables par nous-mêmes de faire le bien, nous transgressons tous les jours et de plusieurs manières tes saints commandements, attirant sur nous, par ton juste jugement, la condamnation et la mort. »
Nous sommes enclins au mal et incapables de faire le bien ! C’est ce que disait Calvin dans sa célèbre « Confession » … et il se décrivait probablement lui-même par ces paroles ! Il disait cela à son époque. Mais l’ennui est que ce texte a été ensuite lu et relu pendant plusieurs siècles. Et, même aujourd’hui, il arrive qu’on l’entende encore dans certaines paroisses protestantes.
Et malheureusement, cette habitude de « nous humilier nous-mêmes » est toujours en vigueur, ô combien !
Elle se rencontre partout :
Exemples dans les textes liturgiques
« Nous sommes hantés par l’angoisse, l’oppression, la famine, la guerre. Nous n’accordons de valeur qu’à l’argent, à la force, à l’orgueil. »
« Voici nos pauvres cœurs, nos amitiés détruites, nos familles déchirées, nos pauvres esprits égarés, épuisés. »
« Nous convoitons sans cesse ce que les autres auraient et que nous n’aurions pas. Nous venons à toi avec nos dégoûts, nous promenons nos visages fermés, nos haines. »
« Nous vivons dans l’égoïsme, l’adultère, la corruption … »
« Jour après jour, nous prononçons des paroles de mort, des paroles creuses, des paroles tranchantes, des paroles empoisonnées […] nous falsifions ta Parole par nos bavardages, nos demi-vérités, nos jugements définitifs…(Lytta Basset) »
Exemples dans les discours laïcs
« Plein de compassion pour notre besoin de reconnaissance et nos failles… »
“ La plupart de nous vivons dans notre tête, ressassant soucis, échecs passés et catastrophes futures. ”
« Nous sommes irresponsables, nous jouons avec le feu, nous dévastons la planète »
« L’homme est le seul animal qui se bat avec ceux de son espèce »
Pourquoi ce goût morbide pour l’humiliation ?
Les expressions qui viennent d’être citées ne sont qu’un tout petit aperçu de ce qu’on peut lire ou entendre jour après jour. On peut évidemment se demander pourquoi.
Est-ce une mode ?
Est-ce un relent de mea culpa en provenance directe du moyen âge ? Est-ce une habitude, dans la « grande église » mais aussi dans les autres, d’inclure le mot « péché », « faute », « repentance » dans tous les discours ?
Et aussi pourquoi cette douteuse morale, s’agissant des paroles prononcées par des ministres du culte ?
Et quand celui qui les prononce dit « nous », qu’est-ce qu’il dit, en réalité, au fond de lui-même ? Nous sommes lamentables ? Vous êtes lamentables ? Je suis lamentable ?
L’ennui, c’est que beaucoup de gens, croyants ou indécis ou résolument athées, sont tout de même en recherche, recherche d’un sens à leur vie, d’une rassurance, d’un respect de soi. Est-ce qu’on peut croire sensément que cette flagellation va atteindre ce but ?
Il semble étonnant que des personnes ayant choisi d’accompagner spirituellement leurs contemporains et de leur transmettre de l’espérance, passent autant de temps et consomment autant d’énergie à répéter que l’être humain ne vaut rien. Que l’être humain n’est qu’un animal malfaisant, faible et répugnant. Et, dans le même temps, on répète que le christianisme annonce une bonne nouvelle, la Genèse elle-même nous dit que Dieu a créé l’homme à son image, cherchez l’erreur.
Est-ce que ces annonceurs de mauvaises nouvelles, ces fustigeurs de la prétendue faiblesse humaine, pensent que celui qui cherche un sens à sa vie va mieux se porter quand il aura compris qu’il est pécheur invétéré et qu’il n’a aucune chance de s’améliorer ?
Est-ce qu’ils ne sont pas plutôt des gens désemparés, des « paumés », qui n’ont pas appris à encourager, à féliciter, à approuver, à aimer, pour tout dire ?
Confession des bontés
Alors, nous avons pris le parti de dire que non, l’homme n’est pas mauvais. Qu’il a en grande majorité beaucoup plus de bonté que de mauvais penchants. En bref, nous remplaçons la « confession du péché » par autre chose.
Pour consulter la liturgie dont nous nous servons pour nos cultes, en ligne ou en « présentiel », cliquez ici.
La grâce signifie le pardon. Le pardon de tout et de tous. Nous n’avons plus à nous préoccuper du péché, du pardon, du salut, nous sommes « dépréoccupés » de cela. Préoccupons-nous plutôt de prendre soin de celui qui a besoin d’aide.
Seulement, habituellement, au moment des offices, la liturgie protestante réformée traditionnelle insère une « confession du péché ». Et en plus on l’appelle souvent confession des péchés !
Cette étrangeté met l’accent sur notre supposée médiocrité, notre faiblesse, notre propension à soi-disant mal faire, mal aimer, mal mériter la vie que nous menons.
Et depuis toujours, je me dis que ceux qui organisent et prêchent cette pratique équivoque n’ont pas idée des dégâts qu’ils causent dans la société, notamment auprès des jeunes ou des personnes psychiquement fragiles.
Alors, essayons autre chose, confessons plutôt notre bonté, et vous allez voir que ça marche très bien :
- nous le savons, la plupart d’entre nous prennent soin de leur prochain, à leur mesure, quand ils le peuvent. Ils en prennent soin ou ils l’ont fait quand ils en avaient la force
- nous le savons, la plupart d’entre nous donnent une partie de ce qu’ils ont pour les pauvres, les plus démunis, que ce soit par Emmaüs, les Restos du cœur, la Banque alimentaire, la Cimade, les Diaconesses, n’importe quoi. Ils le font ou ils l’ont fait quand ils le pouvaient
- nous le savons, la plupart d’entre nous aiment Dieu, pas forcément de toutes leurs forces et de toute leur pensée comme dit la Bible, mais autant qu’ils le peuvent. Et ils prennent aussi leur part du fonctionnement des églises, dans les conseils, à l’orgue, dans les cultes, l’entraide quand il y en a une. Ils le font ou l’ont fait quand ils le pouvaient
- nous le savons, la plupart d’entre nous savent soutenir quand il le faut les malades, les personnes en difficulté, les enfants perdus. Ils le font ou l’on fait quand ils en ont eu l’occasion
Dieu nous a créés à son image, soyons-en heureux et fiers, paisiblement, sans orgueil mais sans mépris de nous-mêmes.
Oui , la liturgie traditionnelle avec la confession des péchés me choquait et me choque encore , je ne la supporte pas , comme le « je crois en Dieu le père etc… » que je me refuse de « réciter » avec l’assemblée . Absolument pas d’accord et à revoir , je me dis !!!
La notion de faute et de culpabilité est à rapprocher de la peur et de jalousie de l’autre , me semble. Un petit livre du philosophe et psychanalyste Haddad : le complexe de Caïn l’illustre bien.
Je suis bien d’accord avec la dernière partie , parler de JE …. suis , JE fais….avec..
« Je vois le meilleur et je l’approuve, je fais le pire. »
« Video meliora proboque, deteriora sequor. »
Ovide, Métamorphoses, VII, 20
On n’a donc pas attendu Paul pour dire « je ne fais pas le bien que je voudrais , et je commets le mal que je ne voudrais pas. »
Si effectivement les phrases culpabilisantes rapportées dans cet article semblent dire que l’être humain n’est que mauvais, il serait tout aussi inexact de dire qu’il n’est que bon! Rousseau qui prétendait que c’est la société qui pervertissait l’être humain oubliait que la société est ce que l’être humain la fait. Quant à la la formule « Dieu a fait l’homme à son image », si on la prend au pied de la lettre, elle ne signifie pas que l’homme est bon, réfléchi, pondéré, etc puisque l’image de Dieu qui apparaît dans la Bible … est celle d’un être violent (il massacre à tour de bras…) Certes c’est un raccourci puisqu’il est supposé au final vouloir le bien de l’être humain (à partir du moment où il n’est plus seulement le « Dieu » d’Israël). Mais on peut dire aussi que le « Dieu » que l’être humain a …créé est tout simplement à l’image de l’Homme, capable du pire et du meilleur! Je crois qu’au delà du bien et du mal, cela peut signifier que, comme Dieu ( si on postule que Dieu il y a) l’être humain est créateur. Postulons donc que l’être humain veut …le bien de l’être humain. Mais, c’est là que le bât blesse. Ceux qui ont voulu une société idéale, c’était pour …le bien de tous, et chaque fois l’ubris est montée à la tête du « bienfaiteur de l’humanité ». L’enfer est pavé de bonnes intentions!
Je te remercie de ta critique de la « confession des péchés » dans la liturgie protestante, du 22 février dernier . Sous une forme et une autre c’est bien la même chose chez les cathos. Ce que je retiens surtout c’est la « confession de notre bonté » que j’ai, imprimée et que je fais connaître autour de moi.
Jean