L'épiphanie

[…] les sages se mettent en route. Ils aperçoivent l’étoile qu’ils ont vue à l’est. Ils sont remplis d’une très grande joie en la voyant. L’étoile avance devant eux. Elle arrive au-dessus de l’endroit où l’enfant se trouve, et elle s’arrête là. Les sages entrent dans la maison, et ils voient l’enfant avec Marie, sa mère. Ils se mettent à genoux et adorent l’enfant. Ensuite, ils ouvrent leurs bagages et ils lui offrent des cadeaux : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

Évangile selon Matthieu 2 :10-11

La légende des rois mages a été extrêmement prolifique depuis 2000 ans.

Qui étaient-ils ?

On a dit qu’ils étaient trois, ou douze, c’est selon

On a dit qu’ils venaient de pays variés, l’Afrique, l’Asie, l’Europe pour signifier qu’ils venaient de toute la terre, ou de l’Éthiopie, de la Perse, de l’Égypte, de l’Arménie… Mais le texte dit qu’ils viennent de l’est, ce qui élimine d’emblée beaucoup des hypothèses ci-dessus. Évidemment, j’ai un peu de mal à discerner le moindre intérêt à ces diverses hypothèses.

On a dit que c’était des rois. Ou des sages, c’est selon. En-dehors de l’imagerie populaire, rien ne suggère qu’ils étaient des rois. Cette idée est apparue un peu au IVe siècle, mais surtout au moyen-âge, VIe siècle, ou IXe. Et tous les arguments faisant de ces sages des rois semblent bien fallacieux. Une curieuse coïncidence (ou hasard) fait qu’un Épiphane de Salamine a écrit sur les mages, en affirmant qu’ils étaient de la descendance d’Abraham, ce qui ne l’engageait guère.

Pourquoi ont-ils fait le voyage ?

Le texte dit qu’ils voient une étoile nouvelle, qui dure le temps de leur voyage jusqu’au lieu où ils rencontrent Jésus. En se donnant un peu de mal, on pourrait rattacher cette idée au passage de la comète de Halley, en 66 (ou même en 12 avant notre ère, ce qui aurait pu secouer un peu les esprits). Après tout, l’évangile de Matthieu a été écrit à cette époque. En tous cas, l’image est jolie, qui rattache la venue tant attendue du Messie à l’apparition d’une nouvelle étoile.

Cependant, cela ne nous dit pas pourquoi le simple fait de voir une étoile inattendue, les a fait se mettre en route pour une destination lointaine1. La réponse peut être trouvée dans le livre des Nombres, au chapitre 24 (c’est le prophète Balaam qui parle) : « Je vois ce qui arrivera, mais ce n’est pas pour maintenant. Je l’aperçois, mais ce n’est pas pour tout de suite. Une étoile se lève parmi ceux qui sont nés de Jacob. Un chef se lève au milieu du peuple d’Israël.2« 

Donc, les mages auraient entrepris le voyage sur la foi de ce texte des Nombres. Matthieu s’est certainement rappelé ce passage lorsqu’il a écrit son évangile.

Mais au fait, qu’est-ce que l’Épiphanie ?

L’épiphanie

Épiphanie : ce mot est d’origine grecque, « Epipháneia » (Ἐπιφάνεια) et signifie dans cette langue « apparition ».

Dans le calendrier catholique, on a, comme à l’habitude, transformé ce sens originel et réutilisé le mot dans un autre sens3. Si ce sens de « apparition » avait été conservé, il eut été plus approprié de l’appliquer aux réapparitions du Christ dans les quarante jours suivant sa résurrection. Donc, entre Pâques et l’Ascension.

On a aussi décidé de désigner par épiphanie le fait de fêter la visite des « rois » mages au nouveau-né Jésus de Nazareth. Officiellement, c’est le 6 janvier, mais un arrangement permet de déplacer cette fête jusqu’au premier dimanche de janvier. Donc, en 2024, la fête de l’Épiphanie s’est tenue le 7 janvier. On peut se demander pourquoi certaines églises réformées ont décidé de participer à cette fête.

En tous les cas, Matthieu 2 :10-11 nous raconte la deuxième manifestation magique de cet évangile. La naissance miraculeuse de Jésus en est une, l’étoile qui guide ceux que l’on appelés plus tard « les rois mages » en est une autre. Mais si l’on n’y prend pas garde, on va se laisser entrainer par cette imagerie et tomber dans des impasses sur le plan spirituel. Il me semble que l’âge adulte n’a plus besoin de magique ou de merveilleux. Et encore moins d’affabulations.

Joseph et Marie, une famille libérale ?

Que peut-on dire d’autre de cette visite des « rois » mages ?

Nous l’avons vu, une idée relativement tardive a fait de ces visiteurs des rois mais l’évangile dit que c’était des mages, des astrologues.

Un détail peut passer inaperçu, mais il me semble d’une grande importance : dans la tradition juive de l’époque, l’astrologie était formellement interdite. Comment, en effet, oserait-on trouver dans les astres le dessein de Dieu ? En tous cas, les astrologues risquaient la mort. Cependant, les parents de Jésus acceptent de recevoir ces envoyés, les laissent approcher de leur enfant. Pour moi, alors que cette ouverture d’esprit risquait de les mettre en difficulté vis-à-vis de la synagogue, il n’ont eu aucune hésitation. En tous cas, d’après le texte.

Jésus commençait sa vie dans une famille étonnamment libérale !

  1. Certains commentateurs et théologiens ont imaginé plaisamment que, le trajet de l’orient à Beth Léhem étant très long, ils étaient certainement venus à dos de chameau. Il va falloir ajouter cet animal aux crèches ! ↩︎
  2. Lire – Lire la bible (la-bible.net) ↩︎
  3. En littérature, ce mot signifie une intense révélation, surprenante, très brève, une évidence qui s’impose à quelqu’un qui n’en avait pas conscience auparavant. ↩︎

2 commentaires

  1. Est – ce que Marie ou Joseph – peu important dans les histoires bibliques – appartiennent à la tribu centrale juive ou plutôt à une tribu en dehors du peuple juif. J’ai appris que Jésus était araméin et parlait cette langue tout d’abord, avant de parler le hébreu et le latin ( je suppose ).

    1. Jésus était juif, les auteurs s’accordent sur ce point, et il parlait principalement l’araméen. D’après mes souvenirs, l’hébreu n’était plus utilisé que pour les célébrations religieuses et l’autre langue parlée dans les milieux instruits était le grec, (peut-être un peu de latin pour ceux qui avaient besoin de parler avec l’occupant). Les passages des évangiles où l’on voit Jésus commenter des textes bibliques montrent qu’il maitrisait parfaitement l’hébreu. On est loin du Jésus de l’imagerie traditionnelle qui en fait un enfant né dans le dénuement chez de pauvres gens.

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