La culpabilité et le mépris de soi

La culpabilité, pour l’homme, c’est comme un bloc de béton attaché au pied d’un nageur : dans cette compréhension perverse, l’homme est pécheur, irrémédiablement, sans discontinuer. Il a été chassé du jardin (l’Eden) parce qu’il avait désobéi à Dieu, et cette tare originelle se transmettra indéfiniment, de génération en génération, par les relations sexuelles.

C’était la vision d’Augustin, évêque d’Hippone, ancien débauché notoire et manichéen obsédé par le mal. En prêchant cette indignité de l’homme, il commettait d’ailleurs une faute de lecture de la Bible1 , mais cette vision pessimiste et culpabilisante de l’homme est encore largement soutenue aujourd’hui. Les conséquences en sont immenses, cette notion de péché originel a figé pour l’éternité des rites et des croyances mortifères ; la structure et la théologie de nombre d’églises chrétiennes, église romaine en tête, sont construites sur ce socle, et tous, athées comme croyants ou indifférents, se débattent encore aujourd’hui dans cette fausse croyance.

C’est une vision extrêmement pessimiste de l’homme. Celui-ci n’a rien à espérer car :

  • il se trompe en permanence, il ne comprend pas, il répète ses erreurs par inintelligence
  • il fait mal : il fait souffrir dès qu’il lève le petit doigt
  • il fait du mal : il veut autre chose que le bien. Les désirs humains sont mauvais, sexualité, pouvoir, envie, plaisir à la souffrance de l’autre
  • il est né dans la faute des autres

Ces pensées pessimistes ont leurs prolongements dans l’état dépressif, qui rassemble pêle-mêle des sensations d’échec, de dépréciation de soi, des auto-accusations persistantes et souvent collectives (“nous sommes mauvais”), des remords.

Beaucoup de postures pseudo-théologiques présentent un dieu bon et des hommes mauvais, mais c’est comme un père bon ou une mère bonne et un enfant qui se croit mauvais. La culpabilité n’est pas ailleurs. Pour beaucoup de “chrétiens” (qui d’ailleurs sont peut-être plus Pauliniens que disciples du Christ), l’homme est dit pécheur car il se doit de ne rien pouvoir seul. Le péché est une invention humaine pour ceux qui veulent faire renoncer chacun à son pouvoir d’être, comme pour ceux qui veulent être déresponsabilisés de ce pouvoir de faire et d’être.

  1. Genèse 3 :1-19 ↩︎