Petit lexique à l’usage de ceux qui cherchent.

Certains termes sont tellement utilisés dans le langage réformé que l’on peut, en permanence, craindre d’être mal ou pas compris. Ce “micro-dictionnaire”, faut-il le préciser, n’engage que l’auteur de ces lignes, il ne prétend pas dire au lecteur-visiteur ce qu’il doit croire et ne pas croire !

La grâce

“La grâce et la paix nous sont données !”

Les cultes réformés commencent en général par cette formule ; la grâce sera souvent ré-annoncée à la fin du culte. C’est l’habitude et, comme les formules habituelles, on les récite parfois machinalement, sans bien réfléchir à son sens.

Et au fait, qu’est-ce que ça signifie, en vrai, la grâce ?

On peut prendre ce terme au sens de “faire grâce”, c’est-à-dire pardonner, … les péchés que l’on a commis ou que l’on est supposé commettre quotidiennement.

On peut aussi comprendre ce texte comme l’affection que Dieu a pour chaque homme à la surface de la terre. Dieu, quelle que soit l’image que j’en ai, quel que soit celui que je nomme Dieu, et quel que soit le nom que je lui donne : Dieu, le divin, la Nature, la transcendance, etc.

La formule citée plus haut signifie surtout que la grâce et la paix nous sont données, gratuitement, sans contrepartie, inconditionnellement.

La justification

Nous sommes justifiés signifie “nous sommes rendus justes”.

Luther voyait une simultanéité du péché et de la justice, et il expliquait : «…l’homme est toujours pécheur, toujours dans la pénitence, toujours juste. La pénitence, c’est le mouvement de l’injuste vers le juste. […] Si donc nous sommes toujours pécheurs, nous sommes toujours en pénitence, et pour cette raison même, toujours aussi justes et toujours en train d’être justifiés».

Ce raisonnement, qui ne devait pas trop plaire en milieu augustin (milieu dont venait Luther), nous fait comprendre ce qu’est la justification ; vous connaissez sans doute la phrase de Paul aux Romains : «Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ » !

La justification, si nous prenons le mot au sens actuel – se justifier, justifier une décision, … – alors l’expression « justification par la foi » a très peu de sens. Mais si, par justifier, nous entendons «devenir juste », tout devient clair ; on dit justifier – devenir juste – comme on dit bonifier – devenir bon.

Nous sommes justifiés par la foi, c’est-à-dire la foi nous rend justes. Juste au sens de « bon pour son prochain ».

La justification est le cœur, le noyau central, de la pensée de Luther, et c’est ce dogme qui sera repris, siècle après siècle, par les Églises issues de la Réforme.

Le sacerdoce universel

Le sacerdoce universel est un principe religieux chrétien qui affirme l’égalité de tous les baptisés dans la mission évangélique. C’est l’un des principes essentiels du protestantisme. L’Église catholique parle plutôt de « sacerdoce commun ».

Dès 1520, Luther formule sa doctrine du sacerdoce universel, à sa manière c’est-à-dire assez … ferme !

« On a inventé que le pape, les évêques, les prêtres, les gens des monastères seraient appelés « état ecclésiastique » et que les princes, les seigneurs, les artisans et les paysans seraient appelés « état laïc », ce qui est, certes, une fine subtilité et une belle hypocrisie. Personne ne doit se laisser intimider par cette distinction pour cette bonne raison que tous les chrétiens appartiennent vraiment à l’état ecclésiastique ; il n’existe entre eux aucune différence, si ce n’est celle de la fonction … nous avons un même baptême, un même évangile, une même foi et sommes de la même manière chrétiens, car ce sont le baptême, l’évangile et la foi qui seuls forment l’état ecclésiastique. Ce que fait le pape ou l’évêque, à savoir l’onction, la tonsure, l’ordination, la consécration … peuvent transformer un homme en cagot ou en idole barbouillée d’huile, mais ils ne font pas le moins du monde un membre du sacerdoce ou un chrétien. En conséquence, nous sommes absolument tous consacrés prêtres par le baptême ».

Il s’agissait d’une charge – dans un style qui n’aurait pas cours aujourd’hui –  contre les pratiques et doctrines de l’Église romaine, retenons-en surtout la dernière phrase : « nous sommes tous consacrés prêtres par le baptême ».

La conséquence de ce principe est que l’Église ne fait plus office d’intermédiaire entre Dieu et le chrétien. Elle ne peut pas revendiquer non plus le monopole d’interprétation de la Bible, et encore moins prétendre à l’infaillibilité. Pour Luther, ce principe implique que le fidèle doit disposer de solides connaissances bibliques.

(Voir à ce sujet le livre de Raphaël Picon « Tous théologiens » éditions Van Dieren). Citons aussi les noms de trois théologiens prestigieux, Jean Baubérot, Jacques Ellul et Paul Ricœur qui n’étaient pas pasteurs mais qui sont universellement reconnus.

La conception catholique, quant à elle, d’un double sacerdoce, le sacerdoce commun exercé par les fidèles et le sacerdoce ministériel exercé par le prêtre, est dénoncée par le protestantisme pour quatre raisons :

1. Il établit une médiation entre Dieu et les fidèles. Pour les protestants, il y un seul médiateur, Jésus Christ. Ils reprochent au catholicisme de confondre les serviteurs avec le maître, en conférant au prêtre des fonctions qui appartiennent seulement à Jésus.

2. le caractère obligatoire de la médiation sacerdotale. En l’absence de prêtre, le catholicisme juge que les relations entre Dieu et le croyant demeurent incomplètes, car imparfaites. Aux yeux des protestants, cette médiation obligatoire est une atteinte à la souveraineté divine comme à la liberté humaine.

3. La fonction sacerdotale, dans sa conception catholique, implique la célébration d’un sacrifice offert à Dieu lors de la messe. Pour la Réforme, il n’a pas de dimension ou d’aspect sacrificiel car les fidèles reçoivent tout de Dieu et n’apportent rien, si ce n’est leur louange. L’idée de sacrifice serait contradictoire avec le sola gratia, principe de gratuité de la grâce.

4. La quatrième critique concerne la séparation du clergé d’avec le laïcat. Par son ordination, le prêtre sort – définitivement, car l’ordination est irréversible – de la masse des croyants. Il revêt un caractère sacré qui s’accompagne de pouvoirs spéciaux tels que celui de célébrer l’eucharistie (avec sa transsubstantiation des espèces) ou celui de pardonner les fautes. Pour la Réforme, tout chrétien peut remplir toutes les fonctions ecclésiales sous réserve d’une formation appropriée.

Dans le protestantisme, donc, les pasteurs n’ont pas de particularité par rapport aux autres croyants. C’est un des principes du protestantisme et cela s’appelle le « sacerdoce universel ».

Le sens de la vie

De manière générale le sens de la vie est l’interrogation sur l’origine, la nature et la finalité de la vie.

Les questions sont alors « d’où venons-nous ? »  « Où allons-nous » ? Qui sommes-nous » ? Pour Schopenhauer ce type d’interrogation différencie l’homme de la bête. Prêtres, pasteurs, psychologues, psychanalystes, psychiatres sont confrontés à ces interrogations dans le cadre de leur fonction. Ces interrogations, qui sont celles de leurs ouailles ou de leur patients, deviennent très souvent les leurs, tant elles concernent tous les humains. Religieux, comme médecins de l’âme, ont bien du mal à lâcher leur travail pour prendre leur retraite. Vivre sans ce questionnement sur le sens de la vie leur est devenu  impossible.

Le problème est que plus on cherche ce sens et plus il s’éloigne. Pour le résoudre, il faut renoncer à le penser afin de l’arracher à la théorie pure car, comme le dit Freud, il « n’existe pas de façon objective ». Mon expérience est qu’il faut permettre, à l’interrogateur du «  sens de la vie », le retour à une réalité concrète. C’est ainsi que dans le cadre des addictions, ceux qui s’en sortaient, autrement dit ceux qui devenaient indépendants vis-à-vis de  leur produit, comme d’ailleurs de leurs symptômes dépressifs, étaient ceux qui arrivaient à investir et à se passionner pour d’autres domaines culturels ou manuels créatifs. Ils se découvraient une passion plus forte que toutes celles qu’ils avaient eues jusqu’à présent. C’est pourquoi nous avions mis en place des ateliers bois, fers ou encore agriculture. Certains découvraient ou revenaient à la foi, expurgée du religieux magique.

J’ajouterai, à ce retour aux choses réelles, le regard, pour ne pas dire la contemplation, des choses de la nature et des objets de la vie. Dans l’atelier agricole du centre pour malades addictifs (alcool et drogues), certains passaient des heures à regarder les poules, les lapins, les chevaux et le poney. D’autres se précipitaient le matin pour voir pousser ce qu’ils avaient semé. Ils s’extasiaient devant les fleurs, les arbres et autres éléments de la nature. Ceux-là étaient guéris ! Ils ne croyaient pas, ils n’espéraient pas, ils jouissaient de ce qui leur était donné chaque jour. Ils découvraient Dieu, non pas comme un `Être Suprême mais comme une force animant tous les éléments de la création. Ils se sentaient participants à cette force. Ils ne cherchaient pas Dieu, le Divin venait les rencontrer. Je ne parlais jamais de Dieu. Eux venaient m’en parler.

En conclusion, je dirais que le sens de la vie ne relève pas d’une croyance ou d’une espérance, mais d’une disposition à se laisser saisir par ce qui nous entoure, tout en établissant des liens avec êtres et choses autour de nous. Contemplation et joie de la découverte seraient les maîtres mots.

Serge Soulié, pasteur et psychologue

Dieu

Dieu est-il ce vieillard barbu, de race blanche, habillé d’un drap de lit, qui vit au ciel, qui sait tout, qui peut tout, qui décide de tout ? Un Dieu tout-puissant ? Oui, répondent les fondamentalistes, qu’ils soient chrétiens, musulmans, juifs, et oui répondent aussi les athées !

Mais les images que l’on a de Dieu, les conceptions que l’on peut en avoir, sont innombrables. En interrogeant les textes de la Bible, il me semble qu’on peut discerner trois grandes visions du divin :

Le Dieu du désert

Le Dieu du désert, c’est le Dieu de Moïse, le Dieu qui fait sortir les hébreux d’Égypte, qui les sauve des attaques égyptiennes, qui les accompagne dans leur traversée du désert, qui les nourrit, prend soin d’eux. Mais aussi, qui les surveille, les punit à l’occasion… Il est tout-puissant, il conclut une alliance avec son peuple, leur fait une promesse, leur donne la Loi, dialogue avec Moïse, exauce ses prières, etc.

Le Dieu du nouveau

Le Dieu du nouveau est celui qui “parle à plusieurs reprises et de plusieurs manières” (lettre aux Hébreux), celui qui nous donne un cœur nouveau, un esprit nouveau, une terre nouvelle… (Esaïe, Ezéchiel, …)

Le “dieu nouveau” le plus reconnu est le “Dieu de Jésus-Christ”, Jésus qui a martelé “il a été dit à vos ancêtres… mais moi je vous dis …”

Le Dieu intérieur

Et si Dieu était, pour certains, un ressenti, un être intérieur, une présence au plus profond de soi ? Dieu serait alors une ressource interne, une connaissance des choses suprêmes, qui est en veille dans tout être humain. Il est l’immanence, la “transcendance” au cœur de chacun, de sorte que nous sommes plus que nous ne le pensons nous-mêmes.

Le dualisme

Deuxième livre de Samuel 24

Un jour, le Seigneur se met de nouveau en colère contre les Israélites. Il pousse David à agir contre leur intérêt en disant : «Va, compte les gens d’Israël et les gens de Juda.»

Premier livre des Chroniques 21

Un jour, Satan cherche à faire du mal au peuple d’Israël. Alors il pousse David à compter les Israélites.

Ces deux livres ont été écrits à un siècle de distance. En un siècle, le diable est apparu, qui n’existait pas dans l’esprit des anciens hébreux.

Le dualisme est une doctrine selon laquelle on ne peut expliquer le monde qui nous entoure qu’en supposant qu’il contient deux principes opposés : le bien et le mal, l’âme et le corps, Dieu et le monde terrestre, la liberté et le devoir, l’homme et la femme bien sûr…

Dans l’Antiquité, Platon en est un bon exemple, qui voulait faire admettre l’existence de l’âme indépendamment du corps, ou le monde de la pensée par opposition au monde palpable. De plus, il affirmait qu’une “conversion” était nécessaire à tout être humain, pour arriver à se détourner des choses qui passent.

Dans l’Ancien Testament, on voit nettement apparaître le dualisme aux environs du IVème siècle (avant J.C.), sous l’influence grecque principalement : le livre des Chroniques reprend, à plusieurs reprises, des livres précédents (Rois ou Samuel par exemple), en y ajoutant une touche de dualisme, sous la forme d’une distinction nouvelle entre Dieu et le diable, ou entre la récompense d’une vie édifiante et la punition d’une vie dissolue.

Plus tard, Jean l’évangéliste, l’apôtre Paul, et plus tard encore Augustin d’Hipône, ont prêché l’impossibilité pour l’homme de faire le bien par lui-même ; on pense ici à la confession des péchés dite de Calvin, qui dit l’homme “enclin au mal et incapable de faire le bien”.

Une réflexion un peu soutenue permet de découvrir les méfaits du dualisme dans l’esprit humain, d’aujourd’hui comme d’hier : envisager séparément ainsi des éléments aussi indissociables que l’être humain (l’âme et le corps), ou le cosmos (le ciel et la terre), ou les sentiments qui sous-tendent nos actes (le bien et le mal), c’est encourager le jugement sur autrui, l’orgueil, la névrose…