Abbé Pierre : Mon Dieu ... pourquoi ?

J’ai senti que, pour être pleinement satisfait, le désir sexuel a besoin de s’exprimer dans une relation amoureuse, tendre, confiante. Or une telle relation m’était fermée par mon choix de vie. Je ne pouvais dès lors que rendre des femmes malheureuses et être moi-même tiraillé entre deux choix de vie inconciliables.

Henri Grouès, “Abbé Pierre”

Que ce soit en bien ou en mal, il faut éviter de juger une personne, ou ses actes, sans un peu de recul.

Que ce soit pour l’idolâtrer ou la condamner, il faut ne pas considérer qu’un seul acte, ou une seule catégorie d’actes. Et il faut à tout le moins lui laisser la parole.

Voilà le pourquoi des extraits ci-dessous.

Frédéric Lenoir

(secrétaire de l’Abbé Pierre pour l’écriture de “Mon Dieu … pourquoi ?1“)

Citation du livre de Frédéric Lenoir “Petit traité de vie intérieure2” :

Henri Grouès a été blessé, enfant, par la froideur de sa mère, qui ne savait pas exprimer sa tendresse. Il en a beaucoup souffert et a constamment recherché  l’amour et la reconnaissance d’autrui.

J’ai toujours été convaincu que sa vocation à aider les autres, son aspiration à la sainteté, le don de lui-même, qu’il pratiquait dans un oubli total de soi, relevaient pour une bonne part de cette blessure narcissique. Il a d’ailleurs gardé jusqu’à sa mort deux symptômes forts de ce besoin d’amour et de reconnaissance : son goût immodéré des médias et son besoin de plaire aux femmes et de susciter chez elles de la tendresse à son égard. Il en avait pleinement conscience et son image idéalisée  dans l’opinion publique lui pesait autant qu’elle le flattait.

C’est la raison pour laquelle il a souhaité, peu de temps avant sa mort, se livrer à une confession publique sur la rupture de son vœu de chasteté. Il avait besoin d’avouer ce qui le tourmentait intérieurement et de dire  à tous : je ne suis pas  un surhomme, j’ai porté en moi cette faille affective toute ma vie et elle a même été un des moteurs de mon existence.

Les réactions des hommes d’église à ce livre ont été affligeantes, le traitant de vieillard sénile, ou refusant de lire son livre pour « garder une bonne image de lui » (sic).

C’est justement parce qu’il était un homme public que l’abbé a eu besoin de dire à tous avant de mourir que son image était en partie fausse. Que l’homme qui vit derrière le mythe était fragile et blessé. Qu’il a tant aimé parce qu’il avait tant besoin d’amour.


  1. Abbé Pierre, Mon Dieu… pourquoi ?, Plon, 2005 ↩︎
  2. Frédéric Lenoir Petit traité de vie intérieure, Pocket, 2012 ↩︎

Un commentaire

  1. merci pour votre commentaire: “déterrer les morts” : c’est le seul écrit que je vois, depuis les “révélations” concernant l’abbé Pierre, où les excès de jugement sont dénoncés à juste titre: déboulonnage de statues, etc. Qui sommes nous pour juger ? et je refuse le tout ou rien;Merci

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *