Le sens de la vie
De manière générale le sens de la vie est l’interrogation sur l’origine, la nature et la finalité de la vie.
Les questions sont alors « d’où venons-nous ? » « Où allons-nous » ? Qui sommes-nous » ? Pour Schopenhauer ce type d’interrogation différencie l’homme de la bête. Prêtres, pasteurs, psychologues, psychanalystes, psychiatres sont confrontés à ces interrogations dans le cadre de leur fonction. Ces interrogations, qui sont celles de leurs ouailles ou de leur patients, deviennent très souvent les leurs, tant elles concernent tous les humains. Religieux, comme médecins de l’âme, ont bien du mal à lâcher leur travail pour prendre leur retraite. Vivre sans ce questionnement sur le sens de la vie leur est devenu impossible.
Le problème est que plus on cherche ce sens et plus il s’éloigne. Pour le résoudre, il faut renoncer à le penser afin de l’arracher à la théorie pure car, comme le dit Freud, il « n’existe pas de façon objective ». Mon expérience est qu’il faut permettre, à l’interrogateur du « sens de la vie », le retour à une réalité concrète. C’est ainsi que dans le cadre des addictions, ceux qui s’en sortaient, autrement dit ceux qui devenaient indépendants vis-à-vis de leur produit, comme d’ailleurs de leurs symptômes dépressifs, étaient ceux qui arrivaient à investir et à se passionner pour d’autres domaines culturels ou manuels créatifs. Ils se découvraient une passion plus forte que toutes celles qu’ils avaient eues jusqu’à présent. C’est pourquoi nous avions mis en place des ateliers bois, fers ou encore agriculture. Certains découvraient ou revenaient à la foi, expurgée du religieux magique.
J’ajouterai, à ce retour aux choses réelles, le regard, pour ne pas dire la contemplation, des choses de la nature et des objets de la vie. Dans l’atelier agricole du centre pour malades addictifs (alcool et drogues), certains passaient des heures à regarder les poules, les lapins, les chevaux et le poney. D’autres se précipitaient le matin pour voir pousser ce qu’ils avaient semé. Ils s’extasiaient devant les fleurs, les arbres et autres éléments de la nature. Ceux-là étaient guéris ! Ils ne croyaient pas, ils n’espéraient pas, ils jouissaient de ce qui leur était donné chaque jour. Ils découvraient Dieu, non pas comme un `Être Suprême mais comme une force animant tous les éléments de la création. Ils se sentaient participants à cette force. Ils ne cherchaient pas Dieu, le Divin venait les rencontrer. Je ne parlais jamais de Dieu. Eux venaient m’en parler.
En conclusion, je dirais que le sens de la vie ne relève pas d’une croyance ou d’une espérance, mais d’une disposition à se laisser saisir par ce qui nous entoure, tout en établissant des liens avec êtres et choses autour de nous. Contemplation et joie de la découverte seraient les maîtres mots.
Serge Soulié, pasteur et psychologue, auteur de "La fin d'une religion" et de "La Maison du rêve" (La Barre Franche, éditeur)